Entrepreneuriat

Comment je suis devenue entrepreneure.

Je suis et je resterai entrepreneure. Vous ne pouvez pas le savoir mais j’en ai monté des boites et j’en ai coulé pas mal. Plus jeune, je n’avais vraiment peur de rien. Avec le temps, je ne me suis pas assagie mais je suis devenue plus stratège. Je suis toujours coriace mais je suis désormais diplomate.

Il faut dire que d’aussi loin que je m’en souvienne j’ai toujours été entouré de femmes fortes. Le patriarcat ? Je ne connaissais pas. Sans le savoir, elles m’ont façonnée.  Elles m’ont donné le goût d’entreprendre. A sauter dans le vide sans filet. C’est d’elles que je tiens ma réputation « de la fille qui ne lâche jamais rien ». Et si aujourd’hui encore j’ai toujours « les crocs saillants », il faut m’excuser. Elles m’ont contaminée dès le berceau.  Laissez-moi vous raconter comment elles ont semé leurs petites graines de « girl power » dans ma vie.

Le matriarcat est passé par moi.

Retour en 1980. Nous sommes en Haïti. Baby Doc est « président à vie ». Le dictateur sème la terreur. Des milliers d’Haïtiens sont torturés et tués. Des centaines de milliers d’autres s’échappent. Hécatombe et hémorragie démographique traversent d’est en ouest la première république Noire.

C’est dans ce contexte que mon grand père meurt. Ma mère est jeune. A peine 20 ans. Elle prend les rênes et devient chef de famille. Elle quitte la campagne où nous vivions avec ma grand-mère et ma tante. Attention les gars,  ma Wonder Mom déboule en ville. Quelques gourdes (la monnaie locale) en poche. C’est marche ou crève. Elle cavale. A port au Prince, de bout de ficelle en bout de ficelle, elle fait des étincelles.

Elle parvient à s’extirper de la terreur du pays. A nouveau, elle quitte tout avec pour seul bagage, une valise orange. Elle vit dans une chambre de bonne dans le 18ème arrondissement de Paris. En 1985, la Goutte d’or, c’est le mouroir, le coupe-gorge de l’ile de France. Elle tient bon. Elle obtient l’asile politique. Un an plus tard, nous voilà tous avec elle dans sa petite chambre de bonne.

De l’autre côté, l’enfer ou le paradis ?

Il parait que c’est dur. J’ai 6 ans. Je ne sais pas ce qui est difficile. Pour moi, c’est plutôt cool. On est tous ensemble. Je suis heureuse. Je ne parle pas français. J’apprends la langue en regardant les publicités à la télévision. J’adore ! Ces petites histoires me fascinent. Je vais à l’école en bas de la maison. On est mélangés. Noirs. Arabes. Blancs. Je kiffe l’école. Encore plus lorsque l’on déménage à Clichy sous Bois. On a de la place dans notre nouvel appartement. C’est dans une cité. J’ai de nouveaux amis. J’apprends très vite à lire. Ma maitresse, Madame Moussy ( Big up à toi) me laisse lire pendant les récréations autant que je le souhaite. Elle me pousse à dévorer des livres avec pleins d’écritures. C’est une véritable échappatoire.

Une seule personne sur terre peut t’aider à réussir dans la vie : toi !

Ma grand-mère qui m’élève est stricte. Les sorties me sont interdites. Elle flippe de tout. Pour me protéger, elle m’enferme dans l’appartement par tous temps.   Si vous suivez ma mère ne s’autorise pas de repos. Elle enchaine boulots sur boulots de six heures du matin à vingt deux heures. Je ne l’ai quasiment pas vue. Ma grand-mère me bourre le crâne avec ses histoires. Elle a un caractère de cochon. Ne rit jamais. Ma mamie n’est pas veille mais son visage est tellement marqué qu’elle paraît vingt ans de plus. Les blessures de toute sa vie sont encore vives. Elle est toujours vénère. Les garçons ? Ce n’est pas très intelligent. Ils ne pensent qu’à leur gueule. Ils n’ont qu’une idée en tête. Elle ne me dit pas de quoi il s’agit mais je sais que je suis mal à l’aise. Son éducation puritaine enfonce le clou. Ne jamais faire confiance qu’à soit même. Si un garçon t’aborde… Il faut fuir ! Et puis, de toutes façons avant de penser à s’amuser, il faut lire. Encore et encore. Je grandis avec l’idée que si je veux m’en sortir dans la vie, je ne dois compter sur personne d’autre que moi.

Je comprends seulement longtemps plus tard qu’elle m’a donné les clés pour réussir. Quand j’ai monté ma première boite ( je vous raconte cet épisode dans une prochain note ) j’ai rencontré pas loin de dix banques. Aucune ne m’a pris au sérieux. A la seconde, je n’avais même pas d’ordinateur.  J’allais taper tous mes articles à la bibliothèque. Au troisième, mon besoin en fond de roulement (BFR) s’élevait à trois mille euros. A chaque fois, j’avais tous mes petits oiseaux de mauvais augures, mes supers voyants bien Français ( je ferai une note sur la mentalité française dans le business) qui me prédisaient la mort par le feu devant l’autel des supers chefs d’entreprise. A chaque fois, je ne me démontais pas. J’ y croyais dur comme fer à ma réussite. Personne ne pouvait m’arrêter. Evidemment, je me suis brisée les dents plusieurs fois. Mais un jour un mec assez intelligent a dit : « Soit je gagne, soit j’apprends ». Il était plutôt raccord avec ma grand-mère.

Lorsqu’elle meurt. J’ai dix ans. Mon monde s’écroule. Bientôt je vais découvrir la vie des grands. Je ne le sais pas encore mais je vais douiller !

La deuxième partie de cet article se trouve ici 

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9 Commentaires

  • Répondre
    Darlene
    30 juillet 2018 à 22:13

    Excellent poste, ton parcours est intéressant. Je ne savais pas que tu avais vécu en Haïti!! L’entrepreunariat est devenu glamour et trop souvent certaines personnes se lancent sans avoir conscience qu’elle requiert un mental et une éthique de travail énorme!

    • Répondre
      Rose
      31 juillet 2018 à 19:53

      Hello Darlène, si, si je suis une Haïtienne pure souche ! ha ha ha !
      Effectivement, l’entreprenariat n’a rien à voir avec le glamour.
      Quand tu vois tous tes camarades de classe qui sont sortis de la même promo que toi acheter leur premier appart et que toi tu manges des pâtes à l’eau sans beurre, je peux t’assurer qu’il faut grave de la force pour ne pas abandonner ! ha ha ha. Merci pour ton commentaire. Bisous

  • Répondre
    Armelle
    1 août 2018 à 21:13

    Bravo pour cet article touchant et même poignant à certains moments… Tes propos concernant l’entreprenariat en France font échos à ceux d’une amie qui a dû abandonner son projet faute de financement bancaire. Elle soupçonnait des comportements racistes et je suis d’accord. Quand on est femme, venant du 93 et qu’on est noire on doit malheureusement faire face aux préjugés. Il faut une sacrée dose d’abnégation et de travail pour parvenir à ses fins. Mais comme cet intelligent Monsieur l’a dit : cela semble toujours impossible jusqu’à ce qu’on le fasse. En attendant tes autres notes, je te souhaite un plein succès dans tes entreprises.

    Armelle

    • Répondre
      Rose
      2 août 2018 à 08:56

      Hello Armelle,
      Merci pour ton commentaire. J’ai écris cette note d’une traite sans réfléchir. C’est peut-être pour cela que c’est touchant. J’ai laissé parler mon coeur.
      C’est dommage que ton amie ait du arrêter son projet faute de financement. Il existe d’autres alternatives à l’emprunt bancaire. Mais c’est vrai qu’après avoir essuyé différents refus, on est plus motivé pour trouver d’autres solutions. C’est à ce moment qu’il faut avoir un tempérament de warrior. Cela tant dit, il n’est jamais trop tard pour entreprendre. Elle sera peut-être plus mûre quand elle essaiera à nouveau. Je lui souhaite en tout cas. Bises

  • Répondre
    Trois périodes de ma vie qui m'ont tout appris de l'entrepreneuriat - wondeRose
    5 août 2018 à 09:28

    […] -La première partie de cet article se trouve : ici  […]

  • Répondre
    Segolene
    8 août 2018 à 07:16

    C’est la toute première fois que je te lis, tu as une belle plume qui a le don de booster et de susciter… on a tous eu une personne chère à nos coeurs qui au début on pensait qu’elle ne nous aimait à cause de sa force de caractère,son éducation à la Jack chan lol. Franchement j’aime bien le texte avec son air de mélancolie. Hâte de te relire

    • Répondre
      Rose
      8 août 2018 à 08:29

      Ségolène, mille merci pour ton commentaire Si encourageant. Bisous

  • Répondre
    Stella
    21 août 2018 à 05:56

    Rose,

    Merci pour tes mots qui m’ont beaucoup touchés !
    Je suis une jeune entrepreneure aussi et ce n’est pas toujours évident. L’entrepreneuriat exige une dose d’audace et beaucoup d’abnégation. J’ai beaucoup aimé découvrir ton parcours inspirant et inpiré par les femmes de ta vie. Je vais donc, avec beaucoup de plaisir, continuer à te lire 🤗 !

    A bientôt,
    Stella

    • Répondre
      Rose
      22 août 2018 à 08:14

      Stella, merci pour ton commentaire. J’espère que la suite te captivera tout autant. Bisous

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